dimanche 30 janvier 2005

"EL COMANDANTE" D'OLIVER STONE

Je viens de voir sur CBC, réseau anglais de la télévision d’État, le film, El Comandante, réalisé par Oliver Stone. Je comprends que ce documentaire sur Fidel Castro ait déplu aux anti-castristes de Miami et à l’Administration Bush. L’homme qu’ils s’acharnent, depuis plus de 45 ans, à diaboliser et à faire passer pour un des dictateurs les plus sanguinaires de notre temps, se révèle être un humaniste, préoccupé d’éducation et de santé, sensible aux causes de justice sociale et de liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes. Il croit plus en la persuasion que dans la force. Aucun monument, aucune rue, aucun édifice ne portent son nom ou met en évidence un buste ou une photo de son personnage. Dans sa vie personnelle on ne voit aucun déploiement de richesses qui trahirait ses convictions profondes. Nous comprenons mieux l’ascendant qu’un tel personnage peut exercer sur le peuple cubain et la majorité des peuples de l’Amérique latine. Nous saisissons mieux le respect qu’il inspire à l’ensemble des pays du Tiers-monde et à de plus en plus de gens de nos sociétés. Si ce n’était de l’image dont on nous nourrit depuis autant d’années nous serions sans doute plus nombreux à être plus proches et plus sympathiques au progrès réalisé dans cette île sous embargo depuis plus de 40 ans.

Je suis un admirateur de Cuba, de son histoire et des acquis d’une révolution dont tout le mérite revient au peuple et à son leader Fidel. À bout de bras et avec abnégation ils se sont sortis des rênes du pouvoir des despotes et ont permis l’émergence d’un homme nouveau capable de solidarité, de dépassement et de créativité. Loin de comprendre le phénomène précurseur d’une Amérique latine nouvelle, les administrations successives étasuniennes ont choisi de bloquer par l’intérieur et par l’extérieur la naissance de cet homme nouveau qui a en partage, la terre, la santé, l’éducation, le travail, la solidarité et la justice. Cet idéal, déjà présent dans le cœur et l’esprit des combattants de 1953 et de 1959, est toujours là malgré et en dépit des difficultés rencontrées tout au long des 50 dernières années. Encore tout récemment, Fidel Castro a mis au défi les Etats-Unis et ceux de l’Europe d’envoyer à leurs frais dans les pays les plus pauvres 16 000 médecins pour travailler dans les endroits les plus défavorisés et où personne ne veut aller. C’est pourtant ce que fait actuellement Cuba.

Il ne fait pas de doute que cette révolution, menée par des hommes et des femmes au prise également avec leurs limites humaines, a connu des abus, commis des injustices, entaché l’idéal de la Révolution. Chaque fois que ces déviations ont pu être identifiées des mesures ont été prises pour y apporter des correctifs. Pour comprendre ces phénomènes nous n’avons qu’à nous référer à nos propres structures de pouvoir qui donnent lieu à des luttes internes, à la constitution de clans, à la création de privilèges pour les uns et à des injustices pour les autres. Il ne suffit pas d’adhérer à une idéologie, à une religion, à une morale pour que les valeurs de ces dernières se traduisent dans le quotidien de chaque personne. Même nos juges de la Cour fédérale demandent une augmentation de salaire de 45 000 $ pour échapper aux influences indues qui pourraient les corrompre.

Je sais que M. Bush, avec son équipe anti-cubaine voudrait bien en découdre avec Cuba et de façon particulière avec son leader. Je sais que ce n’est pas la démocratie qui le préoccupe, bien que ce soit sous ce vocable qu’il aime placer ses interventions. Ce qui le préoccupe, nous le savons de plus en plus, c’est le régime. Au Chili en 1973, l’administration Nixon n’a pas hésité à renverser le gouvernement démocratique de Salvador Allende pas plus que Bush n’hésite à soutenir les opposants au gouvernement démocratique du Venezuela sous la Présidence de M. Chavez et à se débarrasser d’Aristide en Haïti. La démocratie a ses limites…

Je souhaiterais que Fidel Castro mette au défi l’administration Bush et tous les pays qui se disent démocratiques de passer une loi de financement des partis politiques qui exclurait toute participation financière des corporations et qui limiterait les montants versés par les individus. Cette loi plafonnerait les dépenses aux fins électorales de manière à réduire la manipulation sous toutes ses formes. Elle ferait également une obligation à tout citoyen d’aller voter. Fidel pourrait s’engager à en faire tout autant et à permettre l’existence d’autres partis politiques qui se financeraient à même leurs membres.

Nous savons tous que la question du financement des partis politiques dans nos démocraties entache cette même démocratie en transformant les nouveaux dirigeants en débiteurs de leurs bailleurs de fonds. Au Canada, le Québec a été le premier gouvernement à se doter d’une loi sur le financement des partis politiques. Cette année le gouvernement canadien y est allé de sa loi, mais encore bien timidement. Que dire de la démocratie étasunienne où moins de 50% des gens se rendent aux urnes et où des centaines de millions de dollars sont dépensés sans que l’on sache si c’est pour convaincre ou pour acheter les électeurs…


Oscar Fortin

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