mercredi 2 février 2005

RÉACTION À LA LETTRE DE M. VICTOR MOZO "DOMMAGES COLATÉRAUX À CUBA"


Monsieur le Directeur

J’ai lu avec grande attention la lettre de monsieur Mozo parue dans Le Devoir du 6 avril 2003 sous le titre DOMMAGES COLLATÉRAUX À CUBA. . Je ne doute pas que le sens de la liberté et de la justice soit à la source de son propos. Ce dernier reproche au Gouvernement cubain de traiter ses dissidents de façon arbitraire et de profiter de la situation mondiale actuelle pour adopter des attitudes encore plus sévères à leur endroit.

Sans entrer dans le détail des points soulevés, je voudrais signaler que peu de personnes, depuis le 11 septembre 2001, se scandalisent des diverses lois et mesures prises par le gouvernement américain pour prévenir toute action terroriste de nature à mettre en danger la sécurité nationale des Etats-Unis ainsi que celle de ses citoyens. Des arrestations se réalisent quotidiennement dans les aéroports, aux postes frontaliers et aux divers coins du pays et du monde. Cette lutte à finir contre le terrorisme conduit les responsables gouvernementaux à transférer à Guantanamo un certain nombre de ceux-ci et à traiter les autres en se plaçant sous la protection d’une loi spéciale les mettant à l’abri des organismes dédiés à la protection des droits de la personne. Le monde accepte, tant bien que mal, que des pays puissent agir ainsi pour se protéger contre ceux et celles pouvant mettre en danger leur stabilité interne.

Dans cet esprit et en grand démocrates que nous sommes tous, pourquoi le Gouvernement cubain ne pourrait-il pas agir de la sorte pour se protéger contre les terroristes ou toute action mettant en danger sa stabilité interne et sa sécurité nationale? Son histoire n’est-elle pas jalonnée de centaines d’actes terroristes, allant de l’invasion de la Baie des Cochons jusqu’aux détournements récents d’avions et de bateaux en passant par des tentatives d’assassinat du Président et de sabotages d’avions de ligne tel celui réalisé en 1977 ? Ces actions ne sont-elles pas considérées comme des actes terroristes par le droit international ?

J’invite monsieur Mozo à vérifier le sort que le gouvernement des Etats-Unis a réservé aux pirates des détournements récents d’avion en provenance de Cuba qui ont mis en danger la vie de plus de cinquante passagers, femmes et enfants? Ont-ils reçu le traitement réservé aux terroristes ou celui réservé à des héros ? Je demande également à M. Mozo s’il a pris connaissance du sort des cinq cubains arrêtés et faits prisonniers aux Etats-Unis il y a maintenant plus d’un an et pour lesquels des voix de plus en plus nombreuses à travers le monde se font entendre pour qu’ils aient un procès juste et équitable. Ces demandes n’ont pas encore trouvé écho chez les autorités américaines. La faute de ces cubains est d’avoir infiltré les anti-cubains de Miami et d’avoir mis à jour un projet terroriste visant le renversement du gouvernement cubain? Que ferait le Canada si des américains s’infiltraient dans des organismes terroristes canadiens et mettaient ainsi à jour leurs projets de sabotage? Mettrait-il les américains en prison ou au contraire prendrait-il les mesures qui s’imposent pour juger ces terroristes?

L’intérêt de M. Mozo pour les dommages collatéraux aurait pu également le conduire à parler de ce qui se passe actuellement au Venezuela. L’actuelle campagne menée avec l’appui de certains secteurs de l’administration Bush pour le renversement du gouvernement démocratique du Venezuela devrait nous interroger tous sur le sens que nous accordons à la démocratie.

À bien y penser, M. Mozo, les régimes recherchés par les grands de ce monde, qu’ils soient démocratiques ou dictatoriaux, ne seraient-ils pas qu’ils répondent d’abord et avant tout aux attentes des nouveaux maîtres du monde au sens où les décrit Jean Ziegler, Rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, dans son livre récent portant sur ces derniers ?

Cuba a un régime politique et économique différent de celui d’Haïti et de la République Dominicaine, ses voisins, mais ses pauvres ont ceci que les autres n’ont pas : la santé, l’éducation et le minimum de subsistance leur permettant d’être reconnus et respectés comme des êtres humains. Ces ingrédients ne sont-ils pas à la base de l’exercice de toute liberté? Le jour où Cuba ne se sentira plus menacé, où le blocus sera devenu histoire du passé, il y a gros à parier que l’étreinte de protection actuelle se desserrera pour faire également partie de ce passé. C’est en ce sens que l’ex-Président des Etats-Unis et Prix Nobel de la paix 2002, Jimmy Carter, a compris les choses suite à son séjour à Cuba le printemps dernier. Puissions-nous en être également.


Oscar Fortin

(Article non retenu par Le Devoir)

NOTE: Depuis la rédaction de cet article l'administration Bush a pris des mesures drastiques pour empêcher les cubains vivant aux États-Unis d'aller à volonté visiter leur famille (une seule fois tous les trois ans) et d'envoyer de l'argent pour les aider, comme le font tous les immigrants de quelque pays que ce soit... Le mur n'est pas érigé par Cuba mais par son voisin du nord. On n'en parle que très peu.

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Il y a de gens qui passent leur vie à défendre des pays ou ils ne voudraient pas vivre.