vendredi 3 avril 2009

ÉGLISE HORS DES MURS



Des voix s’élèvent de plus en plus dans le monde chrétien pour dénoncer autorités et doctrines qui ne cadrent plus avec l’Esprit évangélique et le monde d’aujourd’hui. Il faut visiter les blogs qui traitent de l’Église pour réaliser qu’un malaise profond est là comme une braise qui s’enflamme au moindre coup de vent. La vague d’apostasies que connaît actuellement l’Église catholique donne à ces voix le caractère tragique des questions qu’elles soulèvent. Deux lettres, publiées ce matin, 2 avril 2009, dans le journal Le Devoir méritent d’être lues. Leurs auteurs sont des chrétiens profondément engagés, l’un comme prêtre et le second comme laïc. Ils ont tous les deux une pensée profondément enracinée dans la connaissance et la foi vécue au quotidien dans divers milieux de vie.

Dans un commentaire récent à un article faisant état de cette vague d’apostasies je soulevais cette question : « N'assistons-nous pas à l'émergence d'une Église "hors des murs" qui n'arrive plus à se reconnaître dans cette Église "vaticane et doctrinale" tout en se reconnaissant toutefois dans les "Évangiles" et les "grands témoins" qui s'en inspirent? La foi ne déborde-t-elle pas de beaucoup les limites institutionnelles de l' « Église vaticane » et ne prend-t-elle pas ses racines dans un "don personnel de l'Esprit »? En ce sens, il y a sans doute beaucoup plus de croyants que nous le pensons dans la diaspora du monde que dans l'Église officielle. Le Corps du Christ ne réunit-il pas tous ceux et celles en qui vit son Esprit? »

Aujourd’hui, plus que par le passé, nous réalisons les limites de tout encadrement extérieur. L’histoire nous révèle, en effet, comment les multiples formes d’encadrement ont été le plus souvent ou très souvent des lieux privilégiés d’abus de pouvoir et de manipulation des esprits, des chasses gardées d’ambitieux, d’hypocrites et de dominateurs. Dans bien des cas, les temples, bâtis de mains d’homme comme sont les hiérarchies politiques, économiques, ecclésiales, sociales et culturelles, s’emparent subtilement des consciences individuelles et collectives comme pour mieux les manipuler. Sous l’emprise de ces dernières nous avons tous et toutes[1] été, à la fois et à divers degrés, victimes et solidaires de crimes et d’horreurs commis contre l’humanité. Les gouvernements que nous soutenons, les religions que nous défendons, les organismes que nous appuyons ont tous les mains souillées de quelques crimes ou d’injustices. Si nous avons des réquisitoires à présenter pour les offenses reçues, nous avons également des pardons à demander pour des fautes commises par l’une ou l’autre de ces institutions dont nous nous affirmons solidaires.

La conscience crie en chacun de nous quelque chose qui s’impose comme une force qui interpelle, comme une passion qui pousse à agir. À la manière de Socrate (Apologie), nous entendons la voix du dieu qui nous invite sur le chemin de la Vérité qui libère des apparats et des faux-fuyants. À la manière de Jérémie et d’Isaïe, nous entendons la voix de Yahvé qui dit de nous préoccuper davantage du culte qui consiste à apprendre à faire le bien, à chercher ce qui est juste, à assurer les droits à l’opprimé, à faire justice à l’orphelin, à défendre la veuve et l’étranger (Is.1, 17 ; Jr. 22,3). À la manière de Jésus, nous entendons le sermon sur la montagne qui nous ramène aux choses essentielles de la vie. Saint Paul ne nous dit-il pas que nous sommes le temple de l’Esprit-Saint qui est en nous et qui nous vient de Dieu (1 Cor.6, 19) ? Ce langage, qui remonte à plusieurs millénaires, a constamment été repris par les sages et les prophètes de tous les temps et, d’une certaine manière, par la conscience qui veille en chacun de nous. Il nous rappelle ces vérités fondamentales auxquelles l’humanité tout entière est conviée.

Nous entrons donc dans une ère nouvelle où se confirme cette prophétie de Jérémie :

« Quand arrivera le temps, je réaliserai avec mon peuple une autre alliance : je mettrai ma Loi en son intérieur, je l’écrirai dans leur cœur. Je serai leur Dieu et il sera mon peuple. Ils n’auront plus à s’enseigner mutuellement se disant les uns aux autres : connaissez-vous Yahvé ? Ils me connaîtront déjà tous, du plus grand au plus petit. » (Jér.31, v.33).

Chaque être humain porte en lui l’Esprit qui est au cœur de la conscience. Il appartient à chacun de le saisir tout autant que de s’y laisser saisir, de le discerner au travers de tout ce qui l’envahit et le sollicite. Nous ne pouvons plus reporter sur d’autres les responsabilités des décisions que nous prenons, des solidarités que nous assumons et des comportements que nous adoptons. D’où l’importance de discerner cette voix de la conscience, seule capable de nous conduire à la vérité, à la justice, à la liberté et au bonheur. « Tout m’est permis, mais tout ne me convient pas. » (Paul, 1 Cor, 6, 12). La foi même de la communauté sera toujours là pour aider à ce discernement et pour soutenir cet engagement au service d’une humanité qui aspire à la vérité, à la justice, à la paix, à la bonté.
Personne ne peut nous retenir dans cet engagement.

Oscar Fortin

Québec, le 3 avril, 2009

http:/humanisme.blogspot.com

2 commentaires:

Anthyme a dit...
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anthyme a dit...

Bonsoir Oscar,

Voici un extrait d’un texte que j’ai déposé il y a quelques jours sur le site de Parténia.
Ne l’y cherchez plus, les « modérateurs » l’ont effacé.
[Est-il besoin de vous le rappeler ; je ne suis pas chrétien.
Mon regard peut donc heurter par sa liberté de ton, car il est extérieur.]

Tout de même ; se faire virer de chez Gaillot !... ça c’est une belle performance !...

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« Sola Scriptura » ???
[…]
La lettre ne me semble rien. Rien du tout.
Du moins rien de plus qu’un champ de blé.
Elle n’est que matière que chacun aborde et interprète en fonction de sa sensibilité, pour tenter d’apporter sa contribution à l’édification de tous.
Car c’est bien là le principal :
Si la lettre n’est rien, c’est le souci d’accompagner l’autre qui est tout.

J’ai eu le bonheur de pouvoir correspondre avec des catholiques, des musulmans, des protestants, des juifs et surtout bien sûr des agnostiques…
Toutes les questions fondées sur la faiblesse du ‘bon vouloir’ présent dans un monde purement réactif conduisent à une difficulté d’expression commune à tous, qui ne se surmonte que sur le terrain commun de la compassion.

La compassion est un pont (peut-être le seul) qui permet à tous les hommes de se rencontrer.

La compassion n’a ni sexe, ni âge, ni origine sociale, ni niveau culturel, ni origine ethnique, ni aucun de ces attributs qui divisent … et … la compassion ne me semble pas même avoir de religion…

C’est elle qui peut conduire le cœur de chaque être humain au pied de tous les Golgothas de toutes les iniquités.
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« Sola Scriptura » ? … Alors c’est foutu !

Aller à la recherche de ce qui l’inspire ….
[…]
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J’en arrive à votre sujet, Oscar …

Les errements de l’église catholique ne sont pas nouveaux.
Les réformateurs, en leur temps, ont réagi à leur façon :
Ils ont recentré le cheminement sur les « sources » du texte.

Avec le résultat que l’on peut voir : une « église » de chapelles où l’on cimente des communautarismes par des professions de croyance d’autant plus brûlantes que la foi est … tiède ?... soit … soit … j’allais dire absente !

Réformer l’église catholique, pour faire quoi ?
Du Luther ?!...

L’heure n’est plus à la réforme de l’église ; mais à la réforme de la réforme !

C'est-à-dire dépasser la lettre … pour chercher l’Esprit qui l’inspire.
S’extirper de la croyance … pour chercher … la foi ?
… retrouver la confiance !...
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Voyez-vous, Oscar, suite à ma mésaventure dans le diocèse « sans frontière » de Gaillot ; je me dis que les temps ne sont pas encore « mûrs » pour en finir avec les « murs » des vertus chrétiennes …

Or pour rassembler les aigles …
...il faut bien un corps ?!…