mardi 11 novembre 2014

LES GRANDS ENJEUX DES TEMPS QUE NOUS VIVONS (partie II)


ÇA PASSE OU ÇA CASSE




Le suivi des principaux évènements qui marquent les temps que nous vivons me conduit à partager avec vous les réflexions qu’ils m’inspirent. Le monde vit une époque charnière et déterminante quant à son avenir. Cet enjeu touche tout autant le devenir politique, économique et social de nos sociétés que le devenir des Églises et de façon toute particulière de l’Église catholique. Nous sommes tout à la fois témoins et acteurs de ces changements qui peuvent conduire l’humanité tout autant à la catastrophe finale qu’à un avenir de croissance et de paix.

L’ampleur des sujets traités m’amène à vous présenter ces réflexions en deux articles dont le premier portera sur les enjeux politiques, économiques et sociaux. Le second article portera sur les enjeux d’une Église confrontée à un monde qui l’oblige à sortir de ses murs pour aller là où est le maître avec les pauvres et les exclus de nos sociétés.


D’une Église doctrinale à une Église d'Évangélique




Avec l’arrivée du pape François au Siège de Pierre, ce sont les rideaux du temple qui se déchirent pour laisser voir la véritable réalité de l’Église. Le pape François, par son attitude, sa simplicité et humilité, met en contraste tous ces personnages qui se complaisent davantage dans leurs titres de noblesse que dans celui de pasteur. Évêques et cardinaux se retrouvent confrontés à un homme qui, tout en occupant la plus haute fonction de l’Église, se préoccupe d’être avant tout un pasteur avec l’odeur de ses brebis.

En plaçant son pontificat sous le signe de François d’Assise, il s’attaque à la reconstruction de l’Église, non pas celle faite de pierres, mais celle faite de chair. Ses quatre références principales, sont Jésus de Nazareth, les Évangiles, les pauvres et exclus de notre monde. Dans ses multiples interventions, il parle le langage des Évangiles pour les hommes et les femmes de notre temps. Son maître, étant Jésus de Nazareth, sa liberté d’agir et de parler s’en trouve renforcée. Il ne se laisse pas guider par le discours et les intérêts des grands et des puissants, mais par celui que lui inspire le Nazaréen. Il est de ce monde sans en être vraiment, comme le suggère Jésus à ses disciples.

Cette approche du pape François met en évidence les deux grandes tendances qui conditionnent fondamentalement  l’action de l’Église dans le monde. Il y a ceux pour qui la doctrine est au cœur de la pastorale de l’Église et ceux pour qui l’Évangile,  Jésus et les pauvres doivent en être les fondements.

Ceux qui font de la doctrine les fondements de la pastorale de l’Église


Lorsque nous parlons de doctrine, il faut bien comprendre qu’il s’agit de celle qui s’est formulée tout au long des siècles à travers les conciles et les déclarations solennelles des papes. Sur le plan pastoral, elle se ramène surtout à définir et à encadrer les activités du culte sacramentel et à fixer la valeur morale des comportements humains.

Dans ce contexte, les célébrations religieuses des sept sacrements deviennent l’expression par excellence de la foi et de sa pratique. L’église de pierre demeure le lieu tout indiqué pour vivre et témoigner de cette foi.

En ce qui a trait à la morale, les thèmes les plus souvent retenus et commentés se réfèrent à la vie sexuelle des personnes et aux relations auxquelles elle donne lieu. Il est évidemment question de la famille, des divorcés, des contraceptifs, de l’homosexualité, de l’avortement, etc. Il y a bien évidemment la morale des guerres, celle de l’exploitation et de domination des peuples, mais ce ne sera que très occasionnellement qu’on s’y référera et, encore là, avec toutes les précautions nécessaires pour ne pas indisposer leurs auteurs qui sont bien souvent leurs bienfaiteurs et alliés. Le rappel se fera toutefois plus pressant auprès des peuples pour qu’ils soient des agents de paix et des collaborateurs soumis à leurs autorités.

Cette Église est dirigée par des « Princes », des Éminences, des Excellences, des « Saintetés » qui se plaisent à parader dans le décorum de leurs soutanes où le rouge du sang des martyrs, comme ils disent, occupe une place qui ne peut échapper à aucun regard. Ce sont des « personnages » d’une institution devenue monarchique dans sa hiérarchie et l’expression de son autorité. Le pasteur n’émerge pas de ces personnages pas plus que l’Évangile de ses doctrines. Une Église qui est en voie de disparaître avec tous ses apparats et ses personnages de fonction.

Ceux qui font de l’Évangile le fondement de la pastorale de l’Église au service de l'humanité

Je pense que de tous les temps il y a eu des hommes et des femmes, des prêtres et évêques qui ont été des témoins d’Évangile. S’ils n’ont pas laissé leurs traces dans l’Institution ecclésiale, ils les auront laissées dans le peuple de Dieu.

L’Amérique latine qui compte le plus grand nombre de catholiques se démarque par le dynamisme d’une foi qui prend ses distances d’une Église-institution, telle que définie dans la section antérieure, pour donner vie à une Église émergente de la foi dans les Évangiles et en Jésus de Nazareth. En elle renaît ce Jésus prenant de nouveau la parole sur la montagne pour y proclamer les béatitudes de justice, de vérité, de solidarité, de compassion, mais aussi pour y condamner ceux qui font de leurs richesses et de leurs pouvoirs des armes d’oppression et de domination. Un Jésus qui se fait pauvre avec les pauvres, indulgents avec les pécheurs, mais cinglant avec les docteurs de la loi, les scribes et les pharisiens qui mettent sur les épaules des autres des fardeaux qu’ils ne peuvent eux-mêmes portés. Ce Jésus n’est-il pas celui qui a donné pour consigne à ses disciples « Ne prenez rien pour le voyage, ni bâton, ni sac, ni pain, ni argent, et n`ayez pas deux tuniques. »

C’est de cette Amérique latine que nous vient le pape François. Sensible à ces impératifs évangéliques il en fera le centre de son pontificat. Il ne fait aucun doute que pour lui, l’évangile, Jésus de Nazareth et les pauvres doivent retrouver la place centrale qui leur revient dans la vie de l’Église. Pour cela, il est urgent que l’institution ecclésiale se transforme radicalement, que les évêques et cardinaux se dépouillent du vieil homme avec tous ses apparats et se revêtent de l’homme nouveau pour être pasteurs au milieu des humbles de la terre. Si les doctrines sont importantes, les Évangiles et l’action imprévisible de l’Esprit de Jésus le sont encore davantage

Pour le pape François, l’Église doit sortir des églises de pierre pour aller à la périphérie et y faire sa demeure. Dans son Exhortation apostolique Evangelii Gaudium, il trace la voie de cette Église à renaître au milieu des peuples pour témoigner des Évangiles en solidarité avec les pauvres et les exclus de la terre.

Du 27 au 29 octobre, plus d’une centaine de représentants des milieux sociaux venus d’un peu partout d’à travers le monde, ont répondu à l’invitation du pape pour échanger sur leur vécu et les graves problèmes qui doivent être résolus. À cette occasion, le pape a pris la parole qui fut accueillie avec enthousiasme par les participants et qui fit scandale pour un certain establishment interne à l’Église. Le président de la Bolivie, Evo Morales, le seul Président  invité à cette rencontre, pour être le seul Président indien de l’Amérique latine, s’est levé pour aller félicité le pape et pour lui donner une accolade chaleureuse, ce qui provoqua un courant de grande émotion entre tous les participants. Le pape François l’invita  à partager son repas du soir de façon très fraternelle. Ce fut l’occasion pour les deux hommes d’échanger pendant plus d’une heure et demie sur les grands défis qui se posent à l’humanité et à l’Église.

Que conclure ?

Il ne fait aucun doute dans mon esprit que le passage d’une Église doctrinale à une Église d’Évangile est incontournable et que ceux qui s’y résistent ont un choix fondamental à faire. L’Église, héritée des empires et de la féodalité, a fait son temps. L’heure n’est plus aux cultes des temples de pierre mais à ceux des temples de chair. Ces derniers témoignent de la foi en Jésus et en ses Évangiles à travers des  l’engagements qui servent la justice, la vérité, la solidarité, la compassion, la miséricorde et le don de soi.

« Cessez d'apporter de vaines offrandes : J'ai en horreur l'encens, les nouvelles lunes, les sabbats et les assemblées ; je ne puis voir le crime s'associer aux solennités. Quand vous étendez vos mains, je détourne de vous mes yeux ; quand vous multipliez les prières, je n'écoute pas : vos mains sont pleines de sang. Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, protégez l'opprimé ; faites droit à l'orphelin, défendez la veuve. (Is.1, 13-17) »

Je vous laisse avec ces considérations qui sont celles d’un observateur toujours à la recherche du grand courant de conscience qui traverse l’humanité des temps présents.


Oscar Fortin
10 novembre 2014




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