jeudi 6 juillet 2006

ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE AU MEXIQUE: UNE DÉMOCRATIE MISE À L'ÉPREUVE

Le 2 juillet dernier, les mexicains se rendaient aux urnes pour élire leur futur Président. Deux grandes tendances, l’une du « statu quo » politique et économique, l’autre de changements profonds en faveur d’une politique au service d’une plus grande justice sociale. Les enjeux étaient d’autant plus grands que leur différence ne se situait pas uniquement dans les nuances d’une même grande orientation politique et économique, mais dans une nouvelle manière de gérer et d’assurer le bien commun de la collectivité mexicaine, cette dernière, beaucoup plus près de celle adoptée par le peuple Bolivien, avec Evo Morales, et de celle du peuple Vénézuélien, avec Hugo Chavez. Il saute aux yeux de tout analyste plus ou moins alerte que cette seconde option n’est pas le choix du « voisin du nord », pas plus d’ailleurs des élites politiques, économiques et religieuses du pays. C’est toutefois « La DÉMOCRATIE », celle-là même que les chefs d’État des Amériques ont consacrée lors de leur Sommet de Québec, qui a l’initiative de remettre ce choix entre les mains des 40 millions 370 mille 956 mexicains qui se sont rendu aux urnes pour voter.

Au moment d’écrire ce texte le candidat du « statu quo », Monsieur Calderon, se déclare vainqueur et celui du changement, Monsieur Obrador, se déclare également vainqueur. Le quotidien La Jornada, dans son édition Internet du 6 juillet, déclare, à 2h42 du matin, que « Le candidat de la coalition -Por el Bien de Todos- Andrés Manuel López Obrador, maintenait une faible avance avec 35.72 pour cent des votes, équivalent à 14 millions 412 mille 96 votes, contre 35.47 du représentant paniste, Felipe Calderón, soit 14 millions 303 mille 681 votes, après le dépouillement de 96.6 % des boîtes de scrutin. À 15h31 les résultats donnaient Calderon gagnant avec 35.88% contre 35.31% pour Obrador. Déjà, dans cette première opération de recomptage on dénombre bien des irrégularités, ce qui n’est pas sans soulever de nombreuses interrogations. Dans les principaux centres du Mexique on a commencé à distribuer des auto-collants « vote X vote, boîte par boîte, Non à la fraude »

http://elecciones.jornada.com.mx/distribuyen-brigadists-calcomanias-de-apoyo-a-amlo-en-zocalo-capitalino

Devant cette situation, le candidat Obrador demande que les boîtes de scrutin soient ouvertes et que le vote de chacun des mexicains qui s’est rendu aux urnes soit compté. Ainsi, chacun pourra reprendre confiance dans le processus et dans la transparence d’une élection mise entre les mains des électeurs et électrices. Monsieur Obrador accepte à l’avance de respecter le résultat final et à inciter ses militants et militantes à en faire autant, advenant qu’il soit défait. Le candidat Calderon ne veut pas remettre en question certains résultats qui le donnent vainqueur et considère que l’Institut fédéral des Élections a bien fait son travail.

La question que tous les apôtres de la démocratie ont à se poser ne devrait-elle pas aller dans le sens de la proposition du candidat Obrador et de tous ceux et celles qui se sentent trahis ? Comment les 40 millions et plus de mexicains qui sont allés voter pourront-ils avoir la certitude que leur vote a été comptabilisé pour ce qu’il était ? Comment les convaincre que les bulletins de vote qui sont dans les boîtes sont bien les leurs et non des faux se substituant aux leurs ? Dans plusieurs cas on a relevé un nombre de bulletins de vote supérieur au nombre de votants. Dans d’autres cas, après le dépouillement de seulement 35% ou 40% des bulletins de vote, on annonçait des avances jusqu’à 95% des votes en faveur du candidat du « statu quo ».

Les vrais démocrates, me semble-t-il, ne devraient pas craindre les vérifications qui s’imposent de sorte que la voix du peuple ne devienne pas celle de quelques groupes influents désireux de garder leurs prérogatives et leurs privilèges. Ce ne serait pas la première fois que le pouvoir électoral des citoyens et citoyennes soit l’objet de manipulation et de tricherie ou encore d’erreurs humaines. Dans tous les cas, n’est-il pas du devoir de tout démocrate de faire en sorte que la « volonté du peuple » soit reconnue et qu’elle « s’impose » à toutes les autres ?

J’espère que M. Harper, en ce 6 juillet 2006, alors qu’il est reçu en grande pompe à la Maison Blanche, saura dire à son interlocuteur, au moment de recevoir ses félicitations pour son engagement au service de la démocratie en Afghanistan, qu’il ne faudrait pas que le Gouvernement des Etats-Unis favorise, pour sa part, un dérapage de la démocratie au Mexique en favorisant la manipulation des votes et des systèmes de recomptage. Les électeurs et électrices doivent eux-mêmes décider de leur avenir politique, économique et social, que ça plaise ou pas. N’est-ce pas là la DÉMOCRATIE pour laquelle on tue en Afghanistan, en Irak et dans beaucoup d’autres endroits du monde ? À moins, évidemment, que l’on ait mal compris la DÉMOCRATIE telle que voulue par nos chefs d’État.

Oscar Fortin
http://humanisme.over-blog.com
6 juillet 2006

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Monsieur Fortin,

Par erreur, j'ai laissé mon commentaire portant sur cet article à l'article que vous avez publié précédemment...

Je vous prie de m'en excuser!

André Tremblay.